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Déclaration de politique scientifique

Le programme scientifique 2008-2011 s'inscrit, comme les précédents, dans le champ de l'analyse spatiale sur lequel s'est bâtie l'identité de l'UMR ESPACE. Cette orientation de la recherche selon « le point de vue spatial » exposé par Joël Charre dans le programme de recherche 2004-2007, demeure fondamentale dans le nouveau projet. Celui-ci prolonge et approfondit les recherches théoriques et méthodologiques précédemment engagées, tout en introduisant de nouvelles préoccupations qui interpellent l'analyse spatiale. Le projet d'ESPACE est ainsi sous-tendu par deux types de questionnements l'un, d'ordre méthodologique, l'autre de nature sociétale.

 

  • Le projet de l'analyse spatiale

L'analyse spatiale s'est construite autour d'une théorisation de l'espace. Ce dernier est considéré comme un tout complexe formé d'une part, d'éléments visibles, les lieux, les infrastructures, les espacements et d'autre part, d'éléments invisibles, les inter-relations entre les lieux, qui constituent sa structure et sa dynamique. Dans tout système territorial, le spatial et le social interagissent, et le but de l'analyse spatiale est de manifester le rôle de la composante spatiale. Si la société produit l'espace, ce dernier rétroagit sur l'action de la société qu'elle en soit consciente ou non. Les systèmes territoriaux sont ainsi dotés d'une organisation spatiale qui exerce des contraintes sur les projets, les décisions, les comportements d'une société mais qui est également un potentiel que les agents réexaminent et réévaluent continuellement, en fonction de leurs besoins et de leurs aspirations et au regard des dynamiques et des potentialités des autres territoires. L'espace est donc envisagé comme un agent à part entière mais dépourvu de finalité. Il est à la fois organisé et organisant.

La prise en compte explicite des caractères de l'espace dans l'étude des phénomènes géographiques est le projet de l'analyse spatiale. Elle cherche à déterminer le rôle de la matérialité de l'espace, représentée par les espacements, les distances, les dimensions 2D comme 3D, les formes, dans l'organisation des territoires. Elle s'attache à révéler comment cette spatialité intervient dans les processus de différenciation spatiale et de transformation territoriale. L'analyse spatiale vise à établir des règles d'organisation et d'évolution fondées sur l'interaction spatiale. Elle considère les caractéristiques liées à la distance ou au voisinage, tant d'un point de vue structurel que fonctionnel. Elle s'intéresse à la position des lieux, élément majeur de la structuration des relations, en privilégiant l'analyse des distances relatives - distance-coût, distance-temps – qui engendrent les processus d'interaction spatiale comme les processus d'attractivité et de répulsivité.

A l'instar d'autres disciplines, l'analyse spatiale se construit progressivement en s'appuyant sur des fondements théoriques, sur des acquis et sur de la pratique, dans un constant va et vient entre recherche fondamentale et recherche appliquée et en étant également à l'écoute des questions scientifiques et sociétales de son temps. Le paradigme du développement durable amène aujourd'hui un renouvellement de ses problématiques et oriente les recherches vers de nouvelles pistes.

 

  • Les nouveaux enjeux liés au développement durable

Les questions environnementales comme les problématiques territoriales ne se conçoivent plus, désormais, sans prise en compte de la durabilité. Appliqué au territoire, cet objectif idéal oblige à penser autrement le développement, à raisonner de façon globale et transversale, à anticiper ses devenirs possibles en privilégiant le temps long. La démarche d'analyse des territoires se doit d'être intégrée, multi-niveau, multi-scalaire et requiert une nouvelle approche des interactions du temps et de l'espace. Autant d'exigences qui sont des enjeux pour la recherche et dont une grande partie relève du champ de l'analyse et de la modélisation spatiales.

Si l'on postule qu'un territoire durable est un territoire dont le développement se fait en harmonie avec l'écosystème comme avec les territoires voisins et dont le fonctionnement satisfait les attentes de ses habitants, c'est, par voie de conséquence, postuler que ce territoire possède une organisation spatiale propice à la durabilité. Dès lors, l'arrangement spatial, les configurations des lieux, les morphologies, les concentrations ou les dispersions des objets géographiques, prennent un nouvel intérêt pour la recherche de l'organisation optimale de l'habitat, des déplacements ou des réseaux de transport.

Le développement territorial durable repose sur un projet de territoire, le Projet d'Aménagement et Développement Durable, dans les documents d'aménagement et d'urbanisme français, qui se bâtit, à partir d'un diagnostic territorial dans lequel l'analyse spatiale s'avère indispensable à l'identification des enjeux et des espaces à enjeux. Le choix d'une politique de développement repose sur l'examen des scénarios d'évolutions possibles du territoire. Cette anticipation, étape majeure de la prospective, exige que le fonctionnement du système territorial soit bien appréhendé et que le rôle des caractères spatiaux dans ce fonctionnement soit connu. Or, les prévisions de croissance démographique et d'occupation du sol sont encore largement déterminées à partir d'hypothèses de croissance non spatialisée et sans prise en compte de l'interaction spatiale. Dans cette nouvelle approche de la durabilité, le défi pour l'analyse spatiale est de faire admettre que la connaissance de l'organisation spatiale et de ses processus est indispensable à toute politique d'aménagement. Pour relever ce défi, il y a deux priorités.

 

Approfondir la connaissance des interactions espace-nature-société

Le développement durable repose sur la prise en compte conjointe des dimensions environnementale, sociale, économique, et de leurs inter-relations dans le cadre de la qualité de vie et de l'équité socio-spatiale. Or, ces interactions restent encore mal connues. L'analyse spatiale est une des méthodes qui contribuent à mieux les appréhender. Son projet n'est pas de définir les interactions nature-société sur un espace mais en fonction de l'espace. Plus précisément, il s'agit d'étudier la manière dont certains mécanismes – pollution, écoulement, érosion – sont freinés, accélérés ou infléchis par le contexte spatial plus ou moins proche, perçu dans ses dimensions horizontale et verticale, par des morphologies anthropiques et des structures spatio-temporelles particulières. Sa tâche est de mesurer la variabilité des interactions des dynamiques environnementales et des dynamiques anthropiques en terme de portée, de susceptibilité ou de vulnérabilité. La finalité est donc double, affiner la connaissance fondamentale sur les interactions nature-société indispensable à la modélisation des systèmes complexes et mieux comprendre le rôle de l'espace dans le fonctionnement des systèmes naturels anthropisés afin d'établir de nouveaux rapports nature-société.

 

Contribuer à la géogouvernance

Tout projet de territoire n'a de sens que s'il est réellement partagé par l'ensemble des acteurs, décideurs, gestionnaires, citoyens. La géogouvernance, volet socio-politique du développement durable territorialisé, interpelle les chercheurs en SHS. Dans la construction d'un projet de territoire, la mission qui échoit aux chercheurs en analyse spatiale est de produire une connaissance permettant de définir les problèmes actuels et à venir de ce territoire et d'identifier des espaces à enjeux. Confrontée à la difficulté de rendre la complexité territoriale intelligible aux décideurs et aux citoyens, l'analyse spatiale se doit de développer de nouveaux moyens de communication sur le territoire : cartographie animée, atlas interactif, simulation virtuelle, sans perdre pour autant son essence scientifique.

 

  • Le projet d'ESPACE en analyse spatiale

Le projet d'ESPACE s'inscrit dans les champs thématiques du Département SHS et du Département EDD. Toutes les équipes de l'Unité ont en commun le projet de comprendre le fonctionnement des systèmes territoriaux ou environnementaux et partagent la même approche globale, systémique, des rapports Nature-Société. Le clivage entre recherche fondamentale et recherche appliquée est à leurs yeux factice, l'une et l'autre étant étroitement inter-reliées. La complémentarité pluridisciplinaire est recherchée, au sein de l'Unité, comme à l'extérieur, et cette ouverture a vocation à réduire la distance entre le "spatial" et le "social". Les chercheurs de l'équipe DESMID et les géographes, se rejoignent autour d'objets communs d'étude : l'environnement, la durabilité, les risques. Naturellement, chaque discipline conserve son regard spécifique sur les problématiques. La démarche de l'équipe DESMID repose sur une recherche contextualisée où les applications sont sources de problématiques fondamentales et de réflexion théorique. Chez les géographes, la réflexion théorique, qui sous-tend les recherches est orientée vers la question de la Forme (Avignon et Nice), de la complexité (Aix et Avignon) ou encore des interfaces (groupe intersite). Sur le plan des méthodes, la modélisation couplée à l'analyse spatiale est le dénominateur commun à tous les sites. Cependant, chaque équipe, en fonction des thématiques et des échelles d'analyse privilégiées, a ses spécialisations : intelligence artificielle (Aix, Nice), Systèmes Multi-agents de type individu-centré (Aix, Avignon), modèles graphiques, modèles fractals (Avignon), morphologie mathématique et modélisation bayésienne (Nice).

Le projet d'ESPACE repose sur la conviction qu'une entrée spatiale dans les problématiques facilite les inter-relations entre "le physique" et "l'humain", "le naturel" et "le social", interactions fondamentales pour la compréhension des systèmes territoriaux et environnementaux. Au cours du futur quadriennal, ESPACE entend développer ses recherches dans cinq directions majeures.

 

Les morphologies spatiales

La Forme est un des objets majeurs de recherche en analyse spatiale du laboratoire ; la forme prise comme point de départ de la réflexion théorique, d'une part, de la conception de méthodes, d'autre part ; ainsi que les relations entre formes et dynamiques spatiales, formes et forces, formes et société. L'approfondissement des recherches engagées concernera la question des formes sans sujet, morphologies anthropiques aux caractéristiques fractales qui sont le résultat de processus qui n'ont été ni voulus ni pensés. Il portera sur les configurations

morphologiques, dans une optique de recherche de la structure morpho-fonctionnelle optimale, pour un contexte spatial et thématique donné tels que la durabilité de la mobilité, les déplacements de loisirs, la diffusion de la pollution urbaine. Le développement durable nécessite, par ailleurs, des méthodes d'évaluation et de suivi basées sur des indicateurs robustes et pertinents, parmi lesquels doivent se trouver des indicateurs morphologiques. L'hypothèse qui sous-tend la recherche est que les variations de forme sont révélatrices d'une dynamique de changement d'état, il s'agira alors de concevoir, de concert avec les thématiciens, des descripteurs morphologiques, basés sur des caractéristiques de forme en 2D et en 3D et de démontrer leur pertinence et leur utilité, aux côtés d'autres indicateurs spatiaux, dans le suivi des phénomènes anthropiques comme environnementaux.

Les recherches sur la modélisation spatio-morphologique, modélisation spatiale par analyse d'image, qui s'appuie sur des règles de diffusion spatiale basées sur l'espacement et la forme des objets étudiés, seront poursuivies.

 

Le multi-scalaire et le multi-niveau

Cette question scientifique fondamentale interpelle la recherche en analyse spatiale. Le fonctionnement d'un système territorial est le résultat de processus qui se déroulent à des échelles spatiales et temporelles différentes. La résultante de la combinaison de ces dynamiques imbriquées est partiellement méconnue car complexe. Les dynamiques observées à l'échelle macro ne sont pas la simple somme des dynamiques micro. Les interactions de lieux distants, non contigus et non connexes, les relations d'appartenance, de concurrence et de dépendance qui caractérisent les systèmes multi-niveaux que sont les systèmes spatiaux sont plus difficilement modélisables que les relations de voisinage habituelles. La conception euclidienne et topologique de l'espace prévaut toujours. De nouvelles règles spatiales qui permettraient de combiner des inter-relations multi-niveaux et multi-échelles dans un environnement non exclusivement euclidien, restent à concevoir.

 

La géoprospective

Si la recherche en modélisation des systèmes complexes est indispensable à leur compréhension, elle est d'un abord difficile et appartient au domaine des experts. Parallèlement, il existe une demande de modèles spatiaux, à finalité géoprospective, conçus pour être à la portée du plus grand nombre de gestionnaires, qui permettent de spatialiser, à grande échelle, la diffusion future d'un phénomène ou de simuler les impacts spatiaux d'une action envisagée. Cette voie, dans laquelle les géographes d'ESPACE se sont fortement engagés au cours du quadriennal 2004-2007, sera poursuivie.

 

La relation individu-espace

Il s'agit de développer, en collaboration avec les sciences sociales, les travaux engagés dans le cadre des systèmes multi-agents, sur le rôle des représentations individuelles ou collectives dans les dynamiques spatiales étudiées à l'échelle micro. L'une des ambitions de ce projet est d'approfondir la connaissance des comportements des individus sur un espace, notamment leur réceptivité aux mesures d'aménagement, et sur la manière dont ils contribuent à la structuration des territoires.

 

L'analyse spatiale : parti de recherche et objet d'étude

Au cours des 30 dernières années, l'analyse spatiale a considérablement évolué et les géographes ne sont plus les seuls à la pratiquer. Une redéfinition de sa démarche, de ses finalités et de ses pratiques s'impose. Tel sera l'objet des forums méthodologiques intersites. A l'heure où, dans le discours comme dans la réflexion conceptuelle, l'espace est supplanté par le territoire, où la géomatique tend à remplacer l'analyse spatiale, une réflexion sur sa place dans la société s'impose tout autant. Le groupe intersite "Analyse spatiale et géogouvernance" a la mission de conduire ce travail réflexif et d'organiser, à mi-parcours, un colloque sur "l'utilité sociale de l'analyse spatiale", ouvert aux scientifiques mais également aux gestionnaires du territoire.

 

 

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