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  Modélisations et simulations spatiales appliquées à l'aménagement et à la géoprospective
 

Évaluation de la congestion d'un réseau routier urbain

Application aux agglomérations de Montpellier et de Nîmes

Manuel APPERT
ESPACE - Nice

 

Introduction

Cette contribution propose une analyse de réseau et d’usage de réseau destinée à mettre en évidence la part de la congestion dans la réduction de la performance de la voirie en terme d’accessibilité. L'accessibilité est un concept d'approche intuitive relativement aisée, mais de formalisation complexe. Elle peut être définie comme étant la plus ou moins grande facilité pour aller de A vers B, cette facilité pouvant être constatée, mesurée ou ressentie. L'accessibilité des lieux est fonction non seulement de leur position géographique, mais aussi de la structure des voies, de la qualité du réseau, des règles de circulation, des types de véhicules et des phénomènes de congestion qui, toutes choses égales par ailleurs, peuvent entraîner une baisse sensible de l'accessibilité. La congestion routière correspond à la gêne, directe ou indirecte, que les usagers de la route s’imposent les uns aux autres, lorsque l’utilisation de l’infrastructure approche de la capacité de fourniture du service pour laquelle elle a été aménagée.

Si l’on retient l’hypothèse qu’une accessibilité maximale est un optimum social, on observe que l’accessibilité des lieux permise par les infrastructures devient sous optimale avec le ralentissement de la circulation des véhicules. Les gains d'accessibilité qui ont pu être procurés par le développement d'un réseau rapide régional peuvent, dès lors, se trouver en partie, annulés.

Que ce soit dans une optique de durabilité de la mobilité ou bien de gestion de réseaux, il apparaît utile d'évaluer la congestion d'un réseau routier et de détecter les axes qui sont à l’origine de situations d'accessibilité sous optimale.

 

Démarche d'analyse de la congestion d'un réseau routier

La démarche destinée à évaluer la congestion d'un réseau routier repose sur le couplage des séquences suivantes :

  • Une modélisation du réseau routier par graphe (sous MAP © , L. Chapelon)
  • Une intégration des trafics (débits horaires calculés par le modèle Emme/2)
  • Une classification de la voirie affinée avec prise en compte de la capacité
  • L’introduction d’une fonction de congestion de type débit-vitesse
  • L’utilisation d’algorithme de calcul des plus courts chemins Floyd (NOD ©)
  • La création d’indicateurs de congestion
  • La cartographie des résultats sur les nœuds et sur les arcs (MAP ©)

 

1/ Modélisation du réseau routier régional

La théorie des graphes est l’un des moyens les plus efficaces pour modéliser les réseaux de transport. Aux nœuds des réseaux sont associés les sommets du graphe et aux liens, les arcs. De manière optimale, un arc correspond à un tronçon de route présentant des caractéristiques techniques et une intensité d'utilisation relativement homogènes sur toute sa longueur.

Les arcs du graphe doivent retranscrire avec précision les caractéristiques techniques des infrastructures routières, dans la mesure où elles influent directement sur la vitesse de circulation. Cela concerne à la fois la structure et la qualité des routes. Parmi les éléments qui peuvent être retenus, citons le nombre, la largeur, l’agencement, la pente, la sinuosité des voies, l’existence d’un séparateur central de chaussées, la largeur des espacements latéraux.

Dans le cadre de notre application, ces éléments ont permis de définir 9 classes d'infrastructures. Si le nombre de classes n’est pas limitatif, nous postulons que la discrimination opérée ici est suffisamment fine pour modéliser avec précision le réseau routier à l'échelle régionale. La vitesse libre est une entrée importante du modèle. Il s’agit, pour un type de véhicule donné – ici une automobile - de la vitesse maximale de circulation, hors congestion, permise techniquement par chaque classe d’infrastructures dans la limite autorisée par le code de la route.

 Classe

 Caractéristiques techniques des infrastructures

 Vitesse libre

 R1

 Autoroute

 130 km/h

 R2

 Voie express interurbaine : double chaussée de type autoroutier et route de liaison principale ou régionale à chaussées séparées.

 110 km/h

 R3

 Voie rapide urbaine : autoroute ou double chaussée de type autoroutier avec accotement réduit (< 60cm).

 80 km/h

 R4

 Route de liaison principale ou régionale à 3 ou 4 voies ou à 2 voies larges, largeur : ]7m-9m].

 90 km/h

 R5

 Route de liaison principale ou régionale à 2 voies “ standards ”, largeur : ]5m-7m].

 80 km/h

 R6

 Route de liaison principale ou régionale et route de desserte locale à 1 ou 2 voies étroites, largeur : £ 5m.

 70 km/h

 R7

 Artère urbaine : pénétrante ou rocade structurante du réseau routier urbain.

 50 km/h

 R8

 Boulevard urbain : voie de desserte urbaine principale.

 35 km/h

 R9

 Rue : voie de desserte urbaine locale.

 35 km/h

Tableau 1 : Les classes de routes utilisées

 

Le principe de modélisation permet de travailler simultanément sur des arcs orientés et non orientés. L'orientation s’applique aux classes d’infrastructures. Les classes possédant au moins un arc orienté (sens unique de circulation, données de trafic différenciées selon le sens) voient la totalité de leurs arcs orientés dans la base de données. Dans ce cas, une voie à sens unique est décrite par un arc (i,j) et une voie à double sens par deux arcs distincts (i,j) et (j,i). Les arcs des autres classes sont considérés automatiquement comme orientés dans les deux sens et n'ont donc pas à être doublés dans la base.

 

2/ Trafic et capacité de la voirie

Nous disposons de débits affectés par deux modèles de trafic dits “ classiques ” : Emme/ 2 (Logiciel de modélisation séquentielle et itérative du trafic utilisé notamment par les Centres d’Études Techniques de l’Équipement ) et Opéra (Logiciel de modélisation séquentielle du trafic utilisé notamment par les Centres d’Études Techniques de l’Équipement).

Ces deux modèles séquentiels à 4 étapes - génération, distribution, répartition modale et affectation - présentent une différence notable dans la dernière phase qui consiste à affecter sur les voies la demande de trafic modélisée [Certu 1990]. Alors qu’Emme/ 2 procède par itérations d'affectations sur les plus courts chemins en temps entre l'origine et la destination, Opéra procède par une seule itération. Par conséquent, dès que la saturation d'un axe est atteinte, les chemins non encore affectés sont utilisés comme itinéraires alternatifs dans Emme/ 2 alors qu’Opéra continuera à affecter au-delà de la capacité, jusqu’à environ un ratio débit/capacité de 1.5. Les conditions de circulation sont donc au pire saturées dans le premier cas et sursaturées dans le deuxième.

A défaut de mesures de concentration, nous utiliserons les débits affectés par les modèles Emme/ 2 et Opéra (Pour plus de précisions sur l’utilisation des débits voir Appert & Chapelon 2003).

 

La capacité est le débit maximal observé. Nous retiendrons une capacité théorique, celle qui est intrinsèque à l'offre - nombre et largeur des voies, aménagements linéaires ou ponctuels, conditions d'accès - correspondant aux conditions optimales d'utilisation. Elle implique « un écoulement aval fluide, une demande suffisante en amont pour approcher la capacité [et] des véhicules se partageant l'espace de façon homogène » [Leurent, 1993].

Ainsi, à chacune des 9 classes de routes retenues pour la modélisation du réseau routier, est associée une capacité fournie par les services techniques de l’Equipement. En ville, la capacité peut être évaluée de deux manières. Soit en raisonnant dans une logique de modélisation « d'intersection à intersection », ce qui nécessite d'intégrer les durées moyennes d'attente à chaque carrefour lors du calcul des temps de parcours. Soit, en raisonnant sur des sections de voies plus longues afin d'obtenir une capacité moyenne tenant compte du franchissement des intersections régulées ou non par des feux.

 Classe d’infrastructures

 Capacité en UVP/voie/h.

 Autoroute (R1)

 Voie express interurbaine (R2) et voie rapide urbaine (R3)

 1 800

 Route de liaison principale ou régionale à 3 ou 4 voies ou à 2 voies larges (R4)

 Artère urbaine (R7) et Boulevard urbain (R8)

 1 250

 Route de liaison principale ou régionale à 2 voies standard (R5)

 Route de liaison principale ou régionale et route de desserte locale à 1 ou 2 voies étroites (R6) et rue (R9)

 1 000

Tableau 2 : La capacité des routes

 

- Le rapport débit / capacité

Connaissant, pour un créneau horaire donné, le débit et la capacité (en UVP/voie/h) de chacun des tronçons du réseau routier, il convient ensuite de calculer le rapport débit/capacité nécessaire à l'évaluation des conditions de circulation par tronçon.

 

- Le calcul des temps de parcours

Pour évaluer les conditions de circulation, nous utilisons la classification par niveaux de service LOS (Level Of Service), développée dans le Highway Capacity Manual, à partir de critères de taux d'occupation ou de débits [Transport Research Board 1998].

 LOS

 Circulation

 Description des conditions de circulation

 LOS A

 

 fluide

 Les conditions de circulation sont idéales, les usagers tendent à rouler à la vitesse optimale sans gêne réciproque.

 LOS B

 La circulation est fluide. Les dépassements peuvent toutefois être délicats, la vitesse observée est proche de celle autorisée.

 LOS C

 chargée

 La circulation est plus chargée, les manœuvres deviennent difficiles. La vitesse commence à s'abaisser.

 LOS D

 dense

 La circulation devient plus dense, les changements de voies sont très difficiles et occasionnent une importante baisse de vitesse.

 LOS E

 La circulation est fortement ralentie, l'écoulement devient capacitif. Les conditions de circulation sont très instables, un incident même mineur conduit au LOS F.

 LOS F

 saturée

 La capacité de la voie est insuffisante, des phénomènes de retenue se forment. La circulation est alors ralentie voire stationnaire. L'écoulement n'est plus continu.

Tableau 3 : Les niveaux de service (LOS)

 

Pour chaque tronçon, le niveau de service est donné par la valeur du taux d'occupation ou par la valeur du rapport débit/capacité. La correspondance entre le niveau de service et le taux d'occupation ou le rapport débit/capacité diffère selon la classe d'infrastructures à laquelle le tronçon appartient. A chaque LOS et pour chaque classe d'infrastructures correspond un coefficient de réduction de vitesse, défini comme le rapport de la vitesse réelle de circulation recherchée sur la vitesse libre.

Ainsi, pour chaque tronçon, la vitesse réelle est obtenue en multipliant ce coefficient par la vitesse libre de la classe d’infrastructures à laquelle le tronçon se rapporte.

          Vitesse réelle = vitesse libre x coefficient de réduction de vitesse

Ensuite, en divisant la longueur kilométrique du tronçon par la vitesse réelle on obtient le temps nécessaire pour le parcourir.

          Temps de parcours = longueur du tronçon / vitesse réelle

A titre d’exemple, le tableau 4 présente les niveaux de service pour les autoroutes et voies rapides.

 Niveaux de service pour les autoroutes (R1), les voies express interurbaines (R2)
  et les voies rapides urbaines (R3)

 

 Taux d'occupation (%)

 Débit / Capacité

 Coefficient de réduction
de vitesse libre

 LOS A

 ]0 - 4]

 ]0 - 0,318]

 0,86

 LOS B

 ]4 - 7]

 ]0,318 - 0,509]

 0,81

 LOS C

 ]7 - 11]

 ]0,509 - 0,747]

 0,77

 LOS D

 ]11 - 16]

 ]0,747 - 0,916]

 0,66

 LOS E

 ]16 - 25]

 ]0,916 - 1]

 0,43

 LOS F

 ]25 - 40]

 

 0,33

 LOS G

 > 40

 

 0,21

Tableau 4 : Les niveaux de service pour les autoroutes et voies rapides

 

Les éléments constitutifs de la méthode présentée ci-dessus ont été intégrés au logiciel NOD (CHAPELON L., L’HOSTIS A., MATHIS Ph., CESA, 1993-2003)conçu pour évaluer les projets visant à modifier l’offre de transport.

 

3/ L 'évaluation de la congestion du réseau

Pour évaluer le niveau de congestion et ses conséquences spatio-temporelles sur les agglomérations urbaines, 4 indicateurs cartographiables ont été conçus.

- La vitesse de circulation

Les vitesses de circulation sont calculées à partir de l’algorithme de calcul des plus courts chemins du logiciel NOD Ó . Les vitesses de circulation calculées donnent une mesure brute de la congestion mais ne peuvent renseigner sur une perte de vitesse liée à une situation particulière. La cartographie par le logiciel MAP Ó , de ces vitesses par types de routes rend compte de la performance effective du réseau.

- L’indicateur de congestion relative globale

L'indicateur C res mesure le rapport entre la somme des vitesses réelles (17h-18h) entre tous les sommets du graphe et la somme des vitesses libres.

Cet indicateur est facilement interprétable. Une valeur de 0,8 signifie que la congestion entraîne une perte de performance de 20% sur le réseau. Il permet de comparer les réseaux routiers d'agglomérations comparables en taille, équipements et structure.

Toutefois, son utilisation soulève trois remarques. La congestion, quel que soit le type de voies, fait tendre la vitesse vers 0. Par conséquent, les réseaux sur lesquels la vitesse libre est élevée (proportion importante des chemins minimaux, assurée par des autoroutes par exemple) connaissent des scores plus faibles, à congestion égale. Un protocole de construction des graphes est nécessaire. Un compromis est à rechercher entre la logique de réseau (un axe lointain mais fortement utilisé par les chemins minimaux doit être intégré,…) et l’étendue spatiale urbaine de la modélisation (le réseau d’une agglomération n’est comparable qu’avec le réseau d’une autre agglomération, et pas celui d’une aire urbaine par exemple,…). Enfin, il est difficile d’utiliser cet indicateur pour des analyses socio-économiques. Beaucoup le font, notamment certains économistes qui monétarisent les pertes de temps. Ils considèrent que la vitesse libre est une situation de référence optimale. Or, si l’on considère les préoccupations environnementales, la vitesse maximale possible n’est pas forcément idéale. De plus, une route n’a jamais été construite pour être sous utilisée et donc, pour que la vitesse soit maximale.

- L’indicateur de congestion relative locale.

Cet indicateur mesure le rapport entre la vitesse réelle (17h-18h) (i,j), et la vitesse libre (i,j). Nous obtenons une valeur qui caractérise chaque arc du réseau routier urbain (localement). Les valeurs de C sont comprises entre 0 (arc totalement saturé) et 1 (arc parfaitement fluide).

Cet indicateur permet de réaliser une analyse locale, arc par arc ou corridor par corridor et de mesurer l’étendue et l’intensité de la congestion sur les segments de route.

En ce qui concerne ses limites, il est à noter que la comparaison entre les classes de routes est plus délicate. Les voies dites « rapides », congestionnées, connaissent des pertes de vitesses plus importantes (la vitesse tend vers 0 quelle que soit la vitesse libre de référence affectée à chaque classe d’arc). Par ailleurs, cet indicateur ne permet pas de dire si tel ou tel lien est plus rapide puisque c’est l’écart à la performance maximale qui est calculé et représenté.

 

- La perte de vitesse moyenne d’accès aux nœuds 

La mesure de l’impact des pertes de vitesse sur l’accessibilité urbaine apporte un nouvel éclairage sur le phénomène de congestion. Cette mesure, qui utilise l’indicateur de vitesse moyenne d’accès aux nœuds d’un réseau, développé par Laurent Chapelon (1997), permet d’isoler la seule influence de la qualité du réseau sur le niveau d’accessibilité des nœuds routiers. Cet indicateur neutralise l'effet de la position géométrique des points se traduisant par « l'effet bordure », obtenu avec des indicateurs d’accessibilité classiques qui tendent souvent à favoriser les centres géométriques dans un réseau. L’indicateur calcule la différence entre deux situations : la situation de référence, en vitesse libre et la situation calculée à l’heure de pointe du soir. L’indicateur ici développé mesure la perte relative d’accessibilité depuis chacun des noeuds vers tous les autres :

 

2/ Évaluation de la congestion d'un réseau routier :
    les exemples de Montpellier et de Nîmes

 

Spécificités des réseaux routiers de Montpellier et de Nîmes

          Graphe de Montpellier

          Graphe de Nîmes

 Nombre de sommets

 302

 Nombre de sommets

 422

 Nombre d’arcs

 901

 Nombre d’arcs

 1 150

 Orientation des arcs

 oui

 Orientation des arcs

 oui

 Part des arcs urbains

 95%

 Part des arcs urbains

 97%

 Part des arcs interurbains

 5%

 Part des arcs interurbains

 3%

 Etat du réseau en

 2000

 Etat du réseau en

 2010

 Horizon du trafic affecté

 2000

 Horizon du trafic affecté

 2010

Tableau 5 : Les graphes de Montpellier et Nîmes

 

Les deux réseaux partagent un certain nombre de traits communs avec les autres réseaux routiers urbains européens et présentent des spécificités. Comme beaucoup d’autres villes, les deux réseaux se caractérisent par une structure radio-concentrique, résultat d’une « accumulation historique réticulaire ». La structure radiale s’est d’abord imposée à partir des axes anciens afin de relier le centre de la ville -place centrale- à son hinterland. L’urbanisation s’est d’abord développée le long des ces axes radiaux avant de coloniser les interstices avec la généralisation de l’automobile comme mode de déplacement dominant. La juxtaposition des trafics locaux, régionaux et nationaux sur ces axes radiaux, souvent inadaptés à la circulation routière moderne, s’est très rapidement soldée par une congestion importante. Les villes se sont ensuite dotées de rocades, soit par désignation de routes existantes, soit par construction de nouvelles infrastructures. Avec l’extension spatiale des villes, ces rocades se situent de plus en plus loin du centre ancien, les rocades intérieures perdant en même temps leur rôle régional ou national au profit de rocades offrant des vitesses plus élevées et peu d’interférences avec le trafic local, plus loin en périphérie. Cette structure radio-concentrique est visible dans les deux agglomérations (cartes 1 et 2).

 

 

          Montpellier

          Nîmes

 Radiales 

 N113 St Jean de Védas – Montpellier

 N113 Castelnau - Montpellier

 Avenue de Palavas (Près d’arènes)

 Avenue Mendès France

 Rte de Ganges

 Radiales 

 Avenue Kennedy

 Route de Sauve

 D926

 N86

 N113

 Route d’Avignon

 Rocades

 Boulevards circulaires autour de l’Ecusson

 Voie Domitienne – Avenue Pavelet

 D132 - Avenue des Moulins – D700 – A9

 Rocades

 Boulevards circulaires autour du cœur historique

 Avenue Jean Jaurès – Boulevard Talabot

 N106 – N86 – A9

Tableau 6 : Radiales et rocades à Montpellier et Nîmes

 

Le deuxième trait commun avec la plupart des agglomérations est la persistance d’un gradient centre-périphérie en terme de qualité des infrastructures routières. La qualité des infrastructures (sinuosité, capacité, profil en travers) s’accroît à mesure que l’on s’éloigne des quartiers les plus anciens. De même, le nombre de sens obligatoires diminue avec la distance au centre-ville. Enfin, on constate, comme souvent, un accroissement du rapport débit/capacité à mesure que l’on approche des faubourgs et des centres-villes, sous l’effet d’un double processus de détérioration des capacités et de maintien de l’accroissement des débits.

Les réseaux routiers des deux villes présentent aussi des spécificités. La plus significative est sans doute la disposition SO-NE du corridor N113/N86, à vocation régionale, doublé depuis 25 ans par l’autoroute A9, à vocation régionale et internationale. Les deux agglomérations sont donc traversées par des axes structurants à orientation SO-NE. L'A9 borde au sud les deux villes, jouant le rôle de rocade sud (surtout pour Montpellier où les échangeurs sont nombreux et les trajets gratuits). En revanche, le nord des deux agglomérations n’est pas doté d’infrastructure de bonne qualité (vitesse et capacité). Les deux agglomérations ne disposent pas d’une rocade complète à grand gabarit de standard voie express ou autoroutier, la présence de l’A9 au sud ayant servi d’alternative de contournement SO-NE.

 

Vitesses de circulation

     Vitesse calculée à 17h-18h sur les réseaux de Nîmes et Montpellier

     Montpellier (Horizon 2000)

     Nîmes (Horizon 2010)

 Vitesse calculée

 % du nombre d’arcs

 Vitesse calculée

 % du nombre d’arcs

 80 - 100

 11.6

 80 - 100

 0.2

 60 - 80

 8.5

 60 - 80

 4.2

 40 - 60

 4.8

 40 - 60

 1.5

 20 -40

 39.6

 20 -40

 65

 0 - 20

 45.5

 0 - 20

 29.1

Tableau 7 : Vitesse de circulation à Montpellier et Nîmes

 

 

 

Les cartes 3 et 4 qui représentent les vitesses de circulation sur les réseaux de chacune des deux agglomérations, indiquent des variations sensibles entre les axes les plus rapides et les axes les plus lents. L’importance du périmètre retenu pour la modélisation des réseaux routiers doit être préalablement soulignée car de lui va dépendre la part des axes « rapides » dans l’ensemble du réseau. Les différences de qualité des réseaux sont aussi déterminantes, la part des réseaux routiers rapides (voie express, autoroute, routes rapides) de Montpellier est ainsi plus importante qu’à Nîmes, ce qui explique qu’à Montpellier, 11.6% du réseau enregistre des vitesses supérieures à 80km/h alors que cette proportion n’est que de 0.2% pour Nîmes. Il est à remarquer que les vitesses de circulation les plus faibles (inférieures à 40 km/h) représentent la très grande majorité des occurrences avec respectivement 85% du réseau montpelliérain et 94% du Nîmois.

Les axes considérés a priori comme rapides s’avèrent l’être effectivement, notamment à Montpellier (A9, D132). La corrélation entre la performance théorique des réseaux (capacité – caractéristiques techniques) et la rapidité est assez significative, surtout à Montpellier.

Un gradient centre-périphérie est visible dans les deux villes, avec près du centre, les vitesses les plus faibles. Ce gradient est beaucoup moins marqué à Nîmes. On note d’ailleurs un changement de vitesse assez brutal entre les infrastructures insérées dans les espaces bâtis qui ne permettent pas des vitesses élevées et celles se prolongeant hors de la ville. Par ailleurs, Nîmes n’est pas équipée en infrastructures théoriquement performantes dans le périmètre bâti.

La structure spatiale de la répartition des vitesses à Nîmes montre que les trajets sur le corridor SO-NE, formé par les N113/N86, A9 et boulevard Talabot, sont particulièrement lents, parfois même plus lents que les trajets empruntant des itinéraires plus au nord, y compris dans le centre-ville.

Les axes orbitaux montpelliérains (A9 excepté) ne semblent pas échapper à la relative lenteur. Les boulevards fermant l’Ecusson, la deuxième ceinture matérialisée par le boulevard Pavelet, la Voie Domitienne, l’avenue de la Justice de Castelnau et le boulevard de la Pompignane, enregistrent des vitesses faibles, peu différentes des autres voies de cette partie de l’agglomération. Ils ne semblent pas offrir une alternative plus efficace alors que ces axes ont précisément pour but de canaliser les trafics qui ne sont pas polarisés par le centre-ville, en transit d’une périphérie à une autre.

 

Congestion relative locale

Le calcul de la congestion relative globale des deux villes révèle des valeurs relativement similaires. Montpellier obtient 0.68 et Nîmes 0.66. La congestion est, selon cet indicateur, légèrement plus élevée à Nîmes qu’à Montpellier, mais rappelons que le calcul effectué pour Nîmes à partir des trafics affectés par le modèle Opéra se réfère à 2010.

          Congestion relative locale sur les routes de Montpellier et Nîmes

     Montpellier (Horizon 2000)

     Nîmes (Horizon 2010)

 Congestion relative

 % du nombre d’arcs

 Congestion relative

 % du nombre d’arcs

 0.15 – 0.3

 0

 0.15 – 0.3

 10.7

 0.3 – 0.45

 26.9

 0.3 – 0.45

 13.8

 0.45 – 0.6

 13.1

 0.45 – 0.6

 7.5

 0.6 – 0.75

 31.6

 0.6 – 0.75

 24.8

 0.75 - 9

 7.8

 0.75 - 9

 2.2

 Plus de 0.9

 20.6

 Plus de 0.9

 41

Tableau 8 : Congestion relative locale à Montpellier et Nîmes

 

A la lecture de ce tableau, les deux villes semblent souffrir de congestion relativement sévère, mais pas ou peu de saturation chronique. On note toutefois que la variance du niveau de congestion est plus importante à Nîmes avec une proportion importante d’axes peu et très congestionnés. Une quasi saturation avec des coefficients de réduction de vitesse de 0.15-0.3 touche Nîmes mais pas Montpellier. Il est vraisemblable que le mode d’affectation du modèle de trafic Opéra utilisé par les services techniques dans le cas de Nîmes pour l’horizon 2010 ne fournisse pas des résultats entièrement comparables aux résultats du modèle Emme/ 2 utilisé pour l’affectation du trafic à Montpellier à l’horizon 2000.

 

 

 

L’indicateur d’évaluation de la congestion relative locale, cartographié sur les cartes 5 et 6 complète utilement le précédent. En effet, la vitesse effective calculée donne une idée assez précise des conditions de vitesse rencontrées sur les itinéraires urbains sans pour autant permettre de savoir si les vitesses observées sont « anormalement » basses. Avec l’indicateur d’évaluation de la congestion relative locale, c’est en quelque sorte le « manque à rouler » qui est évalué, c’est à dire le rapport entre la vitesse libre et la vitesse calculée par le modèle. Du point de vue spatial, il convient de remarquer que dans les deux agglomérations le gradient centre-périphérie précédemment observé s’estompe pour laisser apparaître une autre structure de la congestion ainsi qu’un découplage récurrent entre la capacité des voies et l’intensité du trafic à l’abord des parties les plus denses des agglomérations qui se traduit souvent par une perte de vitesse assez brutale.

 

Pertes de vitesse sur le réseau

A Montpellier, comme à Nîmes, les pertes de vitesse les plus importantes ne sont pas uniquement localisées dans l’hypercentre comme on pourrait s’y attendre. En effet, les voies dites « rapides », congestionnées, connaissent des pertes de vitesses plus importantes (la vitesse tend vers 0 quelle que soit la vitesse libre de référence affectée à chaque classe d’arc). En outre, il semble aussi qu’il y ait une corrélation entre l’importance stratégique des axes et leur perte de performance. C’est notamment le cas pour la RN113 à Montpellier et Nîmes (axe structurant SO-NE) et les rocades.

Alors que la congestion relative touche davantage le nord et le centre de Montpellier, elle tend à se concentrer sur le corridor SO-NE qui structure Nîmes. L’A9 au barrage de Montpellier ne connaît pas une congestion intense, les vitesses sont maintenues à 90% de la vitesse libre. En revanche, la voirie primaire de l’agglomération qui se connecte à l’A9, via les échangeurs de Montpellier Ouest et du Près d’Arènes, apparaît fortement pénalisée en heure de pointe par rapport à une situation en vitesse libre. La congestion relative concerne en revanche davantage le sud et le centre de l’agglomération nîmoise. Ventabren et les garrigues de Nîmes au nord ne semblent pas subir de pertes conséquentes. C’est encore une fois les corridors SO-NE formés par les RN113-86, l’A9, et les boulevards Talabot/route d’Avignon qui subissent les plus fortes pertes de vitesse. Leur relative bonne performance théorique (en vitesse libre) est largement réduite en période de pointe, ce qui explique la faiblesse du rapport entre la vitesse effective et la vitesse libre.

          Pertes de vitesse moyenne d’accès à Montpellier et Nîmes

     Montpellier (Horizon 2000)

     Nîmes (Horizon 2010)

 Perte d’accès en %
  de la valeur optimale

 % du nombre
 de nœuds

 Congestion relative

 % du nombre de nœuds

 Supérieur à -30

 0

 0.15 – 0.3

 4.3

 -30 -35

 2.5

 0.3 – 0.45

 5

 -35 -40

 7.6

 0.45 – 0.6

 15.9

 -40 –45

 19.9

 0.6 – 0.75

 33.2

 -45 --50

 70

 0.75 - 9

 22

 Inférieur à –50%

 0

 Plus de 0.9

 19.6

Tableau 9 : Pertes de vitesse moyenne d’accès à Montpellier et Nîmes

 

A la lecture de ce tableau, il semble que la congestion ait un impact sensible sur les deux villes, si l’on considère que l’accessibilité aux noeuds en vitesse libre est une situation de référence réaliste. La variance des pertes d’accessibilité est plus importante à Nîmes, avec une proportion importante de noeuds subissant des pertes modestes et très sévères. Nîmes enregistre aussi une plus forte proportion de pertes d’accès modérées alors qu’à Montpellier 7 noeuds sur 10 perdent près de 50% de leur niveau d’accessibilité.

 

 

 

L’examen des cartes C7 et C8, indique que le gradient centre-périphérie demeure ici discriminant et significatif pour modéliser la structure des pertes d’accessibilité. La densité des noeuds étant plus importante dans le centre des deux villes intensément congestionné, leur accès s’en trouve détérioré d’autant. Les pertes maximales de vitesse moyenne d’accès entre l’heure de référence et l’heure de pointe concernent l’agglomération nîmoise (Ville Active : -55%). L’heure de pointe du soir, modélisée avec Opéra, à l’horizon 2010, explique le différentiel de sévérité des pertes d’accès entre les deux agglomérations. Les centres-villes de Montpellier et de Nîmes subissent des pertes d’accessibilité significatives, conformément aux résultats obtenus lors d’études précédentes concernant Londres [Appert 1999, Appert & Chapelon 2003] et Lille [Chapelon & Appert 2002].

Dans les deux villes, les valeurs les plus faibles sont enregistrées par des nœuds périphériques : Courbessac (-27%) et Ventabren (-25%) à Nîmes, St-Jean-de-Védas (-27%) à Montpellier. En revanche, le corridor structurant nîmois semble intensément pénaliser la partie sud de l’agglomération (horizon 2010). Alors que cette zone apparaît très accessible, si l’on en juge par sa croissance urbaine (commerciale surtout), elle serait la zone la plus pénalisée en heure de pointe (Ville Active = -55%). A Montpellier, les pertes d’accès se concentrent autour de l’Ecusson mais aussi le long d’un corridor nord, axe de liaison entre les franges nord, le centre-ville et l’A9.

 

Conclusion :

Des débits routiers affectés par deux modèles de trafic (Opéra et Emme/ 2), ainsi qu’une description fine des réseaux (qualité, capacité), ont permis d’approcher des vitesses réelles de circulation dans les deux agglomérations étudiées : Montpellier et Nîmes.

Le rapport entre les vitesses calculées à l’heure de pointe du soir et les vitesses en situation optimale a mis en évidence le « manque à rouler » dans les deux villes. Il en ressort que les axes d’importance stratégique pour les agglomérations et la région ne sont pas épargnés par les pertes de vitesses. L’accessibilité des nœuds des deux agglomérations subit également des modifications importantes. Les pertes de vitesse et les changements d’itinéraires réduisent de façon localisée la facilité d’accès à ces nœuds. Les centres-villes ainsi que les périphéries sud de Nîmes sont les plus fortement touchés.

 

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